Depuis la sortie des Culottées de Pénélope Bagieu (récemment adaptées en série animée), apparaissent un peu partout des ouvrages recensant les 50, 60, 100 femmes qui, selon la formule consacrée, ont changé l’histoire. C’est une bonne chose, c’est sûr, c’est une très bonne chose et je m’en réjouis sincèrement… mais lire et relire qu’Hedy Lamarr est l’inventeuse du Wifi ou que Joséphine Baker était résistante, bon…
Alors, j’ai commencé à demander autour de moi, à des ami.e.s, des amateurs et amatrices du site : “et toi, est-ce qu’une femme à changé ta vie de quelque façon que ce soit ?“. Forcément subjectives, les réponses étaient si variées et étonnantes, mélangeant femmes réelles ou personnages de fiction, que j’ai tout compilé pour en faire un article.
Voilà donc 30 portraits de femmes de tous horizons. Elles n’ont peut-être pas changé l’histoire mais ont, d’une certaine façon, changé des vies, et vous sont présentées par les gens qu’elles ont marqués, de tous horizons eux aussi : des éditeurs, des libraires, facteurs, journalistes, historiens, professeure ou athlète…
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Un IMMENSE merci aux participant.e.s, sans qui cette splendide galerie n’existerait pas, pour votre enthousiasme et votre gentillesse.
Vous lire et mettre en page vos textes a été un vrai plaisir.
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Maxime Spira, pervers-libraire et co-fondateur (avec mézigue) du super Instagram Jouistagram – MALICIA (Rogue en vo) : La découverte des X-men en 1990 a bouleversé ma vie. Et au passage sont apparues des héroïnes. J’ai commencé Special Strange sur un run de Jim Lee où Malicia était plus ou moins l’amante de Magneto dans les terres sauvages. Alors le personnage est sexy mais surtout ambivalent avec son passé de délinquante, son franc parler et un pouvoir puissant mais qui l’isole des autres. Bref, ses imperfections la rendaient humaine et je lui trouvais plus de personnalité que les autres X-women de l’époque.
Bénédicte Kra Ken, Tintinophile Kaamelottienne – YOKO TSUNO : Elle m’a marqué parce que c’est une femme forte et indépendante et gamine je rêvais d’être comme elle, elle m’a permis à certains moments de prendre confiance en moi. Ces voyages dans le temps et dans l’espace lui apportaient beaucoup d’un point de vue humain et culturel. Elle est intelligente, elle est belle, elle est bienveillante, elle représente ce qui pour moi s’apparentait à la femme parfaite et à celle qu’on devrait toutes être. Elle ne s’arrête pas à une vision manichéenne des choses et a de la compassion même pour “les méchants”.
Christophe Bier, acteur et auteur, passionnant passionné, obsédant obsédé – TURA SATANA : Tandis que triomphent de mièvres beach movies, Russ Meyer invente le roughie, un genre érotique violent, brutal, au noir et blanc contrasté dont son chef d’œuvre incontesté Faster Pussycat ! Kill ! Kill ! est un sommet de violence qui se démarque surtout car il inverse la misogynie habituelle de ces films de genre dans lesquels les femmes succombent aux mâles oppresseurs. Dominatrice terrifiante, eyeliner soulignant la dureté du regard, silhouette noire des cheveux jusqu’aux bottes et magnifiée par les cadrages, Tura incarne Varla, meneuse autoritaire d’un trio de go-go dancers déboulant au sein d’une famille de rednecks perdue dans le désert californien. C’est à mains nues que Tura tue, dans une explosion animale des instincts, dès les premières minutes lorsqu’elle brise le cou d’un parfait « gentil garçon », dans un craquement impressionnant. Face à cette furie sans pitié, les tares de l’Amérique rurale volent en éclats dans ce face à face entre le trio féminin et une famille sans femmes, rongée par la frustration, la cupidité, la maladie et la folie.
Elodie Murzi, libraire Ici Librairie, amatrice de pierres millénaires ambiance #rockforever – Boadicée : J’ai peut-être 8/9 ans quand je découvre une gravure dans un livre d’Histoire pour enfant, représentant la reine Boadicée. Elle est debout sur un char, ses deux jeunes filles à ses côtés, elle tient une lance dans l’une de ses mains et brandit l’autre bras pour rallier une immense troupe à sa rébellion, au combat. Elle me fascine, elle est majestueuse, pulpeuse, et ses longs cheveux roux ne me font penser qu’à une seule chose : je veux être comme elle. J’apprends dès lors que ces femmes dans l’Histoire se font rare, ce n’est pas leur place, on les occulte pour la plupart. Je continue ma quête, j’en découvre beaucoup d’autres, je les collectionne. En 2008, ma fille vient au monde, elle se nomme Jeanne et a pour troisième prénom Aliénor. Boadicée, Jeanne d’Arc et Aliénor d’Aquitaine, trois nénettes qui ont pris les choses en main, libres, insoumises, guerrières et fatales…
Aurore Purple, professeure de français – Madonna : Plus j’y pense, plus que je me dis que pour moi c’est Madonna en 1987. J’ai 11 ans, l’album True Blue sort et c’est la révélation. Femme puissante, séduisante et qui gagne en face des garçons (voire même son père avec Papa don’t Preach) ; le clip Open your heart m’avait beaucoup marquée car trop classe en body cuir. Je n’ai pas réécouté cet album (k7 à l’époque) mais j’en connais encore la moindre syllabe. La Isla Bonita : je sais que j’ai acheté une robe rouge et noire car elle me faisait penser à l’outfit de la Mado dans son clip. Et enfin dernier atout : Madonna à cette époque (époque Parc de Sceaux et jeté de petite culotte + Jacques Chirac = dingue quand on y pense ! ) est le ciment du lien indéfectible avec l’un de mes 22 cousins du côté de mon père ; fans de Madonna au même âge en 1987, nous nous reconnaissions et nous nous comprenions. Nous en reparlons encore avec tendresse aujourd’hui. Et JAMAIS JAMAIS on ne parle de la Madonna actuelle, ou même celles depuis la fin des années 90. Ça nous chiffonne trop le cœur.
Gwenaëlle Clesse, Métalo-RedSonjienne (à qui cet article est dédié) – HAZEL : j’ai eu la chance de découvrir la BD Hazel et Ogan dès l’âge où l’on découvre les plaisirs de la lecture. Hazel est le personnage principal, issue d’une lignée de guerrières, et comme chacune avant elle, elle quitte le clan et ne peut y revenir qu’en possession d’un objet de grande valeur. Hazel a marqué mon jeune esprit par son aspect body-cuir-cuissardes et cheveux indomptables-80’s, ainsi que par son caractère fonceur et dominant. Elle incarnait les rêves d’aventures de la gamine que j’étais et continue de m’accompagner.
Thomas Bonneau, dessinateur expert en viragophilie antiquo-cyborg – LES SŒURS CHAMADE : Avec le recul, ce qui m’a le plus marqué enfant dans le dessin animé Cat’s Eye, c’est la charge érotique latente que drainent les trois héroïnes. Car dans leur quête et leurs combats, leur arme principale contre leurs ennemis, les systèmes de sécurité et de surveillance, c’est leur corps, quelles déploient en savants mouvements de gymnastique ninja (elles n’utilisent jamais d’arme à feu etc… juste des cartes de visite !). La double vie qu’elles mènent entre la nuit et le jour renforce cet érotisme latent avec le côté illégal de leurs activités et la crainte d’être découvertes, reconnues ou identifiées (et donc arrêtées), double vie pimentée par la relation amoureuse avec l’inspecteur de police. Ce subtil équilibre de leur vie et cet érotisme platonique conservé à tout prix et avec brio, en font des personnages très touchants, avec un héroïsme plus discret et doux qu’épique, mais bien plus haletant.
Stéphane du Mesnildot, journaliste de cinéma, écrivain, cartographe d’errances japonaises – Marguerite Duras : Elle est venue d’Indochine, a traversé la France occupée et le Saint-Germain-des-Prés littéraire. Elle est aussi allée au plus profond des zones noires de son existence : son alcoolisme, son enfance lointaine, l’histoire d’amour de son adolescence. Et pour accomplir tous ces voyages, elle n’avait presque rien, juste quelques mots, même pas les plus savants ou les plus précieux, presque les mots d’une chanson de variété, et parfois un peu de pellicule. Mais elle avait une voix, avec cette netteté unique, et cette ponctuation de silences. Il suffit d’un rien comme « Le navire Night est face à la nuit des temps » pour basculer dans une autre galaxie. Lorsqu’on la lit, on l’entend (et vice-versa) et il faut regarder ces vidéos où elle discute avec des enfants, des strip-teaseuses, des lycéennes, Depardieu ou Godard. Je crois que ce qui me touche le plus chez Marguerite Duras est cette capacité de parler avec, mais surtout de savoir écouter, tout le monde.
Nio Lynes, dessinateur cinéphile jazzo-véraphile – HILDE : Dans Soulcalibur IV, Hilde est l’héritière d’un lointain royaume perdu et dévasté et porte casque, armure, lance et glaive (pour les coups rapprochés quand un ennemi trop bourrin la colle de trop près). Pleine de courage, de vertu et d’abnégation, Hilde, en plus d’une combinaison déjà peu usitée dans le jeu de combat, a été pensée dans un certain respect de la gent féminine et chose rare chez nos amis nippons-frippons, elle n’est absolument pas sexualisée et son personnage est aussi bien traité que les autres. C’est une héroïne construite avant tout comme une pure guerrière inspirée de Jeanne d’Arc, et ça fait drôlement du bien.
Jean-Baptiste Drizit, Portepeste des terres désolées – SARAH CONNOR : J’ai 6 ans et je suis dans un cinéma. Sur l’écran, la chambre d’un hôpital psychiatrique. Le lit a été relevé et Sarah Connor est en train de faire des tractions. Elle est calme, déterminée, concentrée sur son objectif. C’est la première fois que je vois une femme forte qui n’est pas une demoiselle en détresse… Et je ne suis même pas sûr d’avoir vraiment compris à ce moment là de façon consciente ce que voyais, mais pour sûr je l’ai intériorisé.
VarangianVigilante (Instagram) – VALERIA : Bien avant de lire les merveilleuses histoires de Robert E. Howard et les adaptations de bandes dessinées de son âge hyborien, j’ai regardé le film Conan le Barbare de 1982. Depuis, le personnage de Valeria est ma femme idéale. Représentée par la stupéfiante Sandahl Bergman, Valeria est la véritable héroïne de ce film épique. Ne vous méprenez pas, j’aime Conan, mais Valeria était non seulement assez intelligente pour voir que le destin imminent était à l’horizon, mais plus que cela, elle s’est sacrifiée et est même revenue de l’obscurité éternelle pour sauver l’homme qu’elle aimait. J’aimerai et adorerai toujours Valeria.
Otto Rivers, archiviste et historien VHS – THEDA BARA : Le temps est cruel. Qui connait la femme, l’actrice, qui a pour la première fois tellement déchainé les passions que l’on inventa le terme Vamp pour elle? Ancêtre de Vampira et de Elvira, quoi qu’appréciée par un public bien plus large, il ne reste aujourd’hui presque plus de traces de Theda Bara, star d’avant les années 20. Ses films ayant pratiquement tous disparus ainsi que les personnes l’ayant connue, il ne reste rien de celle qui fut le premier sex-symbol de l’écran.
Nicolas Cartelet, écrivain et éditeur La Musardine – EOWYN : Eowyn est le seul personnage féminin d’envergure du Seigneur des anneaux : 3000 pages de virilité guerrière, de conciliabules entre mâles, de rois et d’héritiers et soudain, camouflée sous l’armure d’un homme, cette petite blonde badass qui manie l’épée comme une cheffe et tue à elle seule le premier lieutenant de Sauron. Avant de porter le coup fatal, elle revendique haut et fort son genre, « je ne suis pas un homme, c’est une femme que tu vois », et énonce son ascendance comme seuls le font habituellement les hommes, « je suis Éowyn, fille d’Éomund ». À la seule force de son caractère, elle gagne sa place parmi les héros de guerre, et elle le fait au nom de toutes les femmes. Respect.
Rachel Vine-Krupa, éditrice Nada Éditions – Frida Kahlo : Elle m’accompagne depuis mon adolescence. J’ai croisé sa route quand j’avais 16 ans et l’ai découverte d’abord par la lecture de son journal intime avant de m’intéresser à ses tableaux. Ses écrits révèlent son tempérament, sa pugnacité, son sens de l’amitié et un humour décapant. Plus que la force dont elle fait preuve face aux drames personnels qui ont marqué sa vie, ce qui m’inspire chez Frida Kahlo est la portée politique et féministe de son œuvre. Elle signe des tableaux d’avant-garde qui abordent des thématiques inédites dans l’histoire de l’art comme l’accouchement, la fausse-couche, le handicap, le travestissement, les violences faites aux femmes. Mieux que personne, André Breton a su traduire le caractère à la fois sensible et subversif de son œuvre dans cette formule : « L’art de Frida Kahlo est un ruban autour d’une bombe».
Bertrand Mandico, réalisateur de films de (trans)genre- LEONOR FINI : Pour plein de raisons. Et notamment quand elle a séduit son futur mari (ambassadeur) lors d’une réception très chic, elle s’est postée face à lui et toute en le regardant, a ouvert ses jambes et a pissé sur le tapis. Enfant, Leonor Fini a fuit avec sa mère un père abusif. Pour ne pas que son père puisse la retrouver et l’enlever, sa mère la déguisait chaque jour pour ne pas qu’elle soit reconnaissable. Leonor Fini a gardé ce goût du travestissement qui a glissé vers l’idée d’une parade constante et extravagante . Elle vivait telle une reine sur une île . Il y a aussi un caractère sexuel et magique chez elle, son surréalisme est une expression du féminisme, elle est aussi une artiste Ultra Camp. Leonor Fini fut le modèle de l’héroïne de Boom, incarnée par Elizabeth Taylor dans le film de Losey (du moins c’est ce que je crois).
Laure Lege, Tolkieno-nippophile ScerbanencoEdgardPienne- ATHENA : A l’âge où l’on nous rabat les oreilles avec les greluches coincées dans des tours dans l’attente de bellâtres libérateurs, quel plaisir de découvrir les mythes grecs où tous sont sur un pied d’égalité, machiavéliques, impulsifs et imparfaits. Athéna, en plus d’être la fille qui sait ce qu’elle veut née directement du crâne de son père, c’est la sagesse dans le combat, la puissance et une grâce qu’elle déploie quasiment nue, lance et bouclier au poing, qu’on imagine courir au soleil, la poussière se collant sur ses cuisses en sueur. Athéna, c’est la sœur qui colle une rouste à son frère, sans triomphe, juste pour lui montrer qu’il faut savoir être stratège mais c’est aussi la chipie qui, avec Aphrodite et Héra, a bien foutu le boxon qui a mené à la guerre de Troie (au passage, j’aurais été Pâris j’aurais voté pour elle). Comment ne pas être en amour d’un personnage qui affiche la tronche de Méduse sur son bouclier tout en ayant une chouette sur l’épaule ?
Romain Demari, Directeur Artistique et petit canaillou – Barbara : Ses chansons pleines de douleur et de poésie, tantôt tragiques, tantôt idéalistes, mais éternellement fragiles, me touchent énormément. Elles incarnent selon moi le travail artistique dans l’une de ses formes les plus brutes et les plus riches : traduire ses émotions et les sublimer. Ruptures sentimentales, amours impossibles et surtout blessures d’enfance, Barbara semble avoir tenté toute sa vie de faire le deuil de son propre vécu, de sa propre violence. Comme une amazone combattant sa propre vie, avec comme seules armes sa fragilité et son art. Mes chansons préférées « Septembre » et « Parce que ».
Rafel Delalande, tatoueur des chaos souterrains – KELLY : Dans le film The Naked Kiss, le personnage de Kelly est une ancienne prostituée devenue infirmière pour enfants. Elle est douce et bienveillante, mais peut se montrer aussi violente et meurtrière si on s’en prend à elle. J’aime l’idée de l’ultra violence à l’ouverture du film, Kelly a été humiliée mais prend illico sa revanche. Une sorte de I spit on your grave mais avec classe et sans vulgarité. Et sa chanson avec les enfants est à pleurer de beauté.
Mathilde Guiraud, libraire librairie Delamain – Michaela Quinn : Dr Quinn, c’était le rendez-vous du midi. Je courrais chez moi dès la fin des cours pour ne pas rater les premières notes du générique et la voix off : “tout le monde disait qu’une femme médecin ne pourrait pas survivre seule à la limite des terres colonisées…“. Ce que je retiens de ce personnage, ce n’est pas tant sa romance avec Sully – que j’ai néanmoins suivie avec passion – que son indépendance farouche, et sa pugnacité. Mes épisodes préférés étaient ceux où elle éradiquait une épidémie de peste à la seule sueur de son front, ou quand elle encourageait les prostituées du coin à se sortir des griffes du redoutable proxénète de la ville. Avec son surnom masculin (docteur Mike), son long manteau de cuir et sa volonté de fer, je la voyais comme une héroïne absolue, et je rêvais d’être comme elle compétente, entêtée et courageuse. Docteur Quinn, docteur Queen !
Melvin Zed, dessinateur, écrivain, fan de Crocodile Dundee – Mercy : Les Guerriers de la Nuit est plutôt un film de bonhommes, mais celles qui assurent vraiment, ce sont les gonzesses. C’est la fliquette qui castre Ajax de ses velléités nocturnes, ce sont les Lizzies qui tiennent tête aux Warriors mais c’est surtout Mercy, la poule des Orphans, une bande de loquedus de seconde zone. Alors que les Warriors tentent de fuir le merdier dans lequel ils ont été plongés, Mercy, jouée par Deborah Bvan Valkenburgh, va passer le film a s’extirper du rôle dans lequel les autres personnages, et ce genre de production, cherchent à l’enfermer. Nos a priori, a l’instar de l’arrogance du héros, ne résisteront pas devant cette jeune fille qui revendique son autonomie, ses rêves et ses choix. Défait, le mâle alpha réalise toute la vanité de sa posture, de ses colifichets et de ses batailles, il ne peut plus que la suivre, en marchant sur la plage, et rêver à d’autres horizons.
Pascale Combis, veganomarseillaise tendance Bob & Bobette – Rachel Cooper (La Nuit du Chasseur) : Toute la nuit Rachel Cooper repoussa le Révérend Powell. Avec sa peur, sa bonté, sa fatigue elle n’a pas vacillé. Au matin, à l’arrivée de la police, son cœur ardent exulta : elle avait sauvé les enfants.
Julien Delorme Directeur Commercial Europe et bilingue elfique à La Peuplade – Stella Corfou (personnage créé par l’autrice Beatrix Beck) : Elle s’appelle Stella, comme l’étoile, Corfou, comme l’île, comme son corps fou aussi. C’est la femme libre par excellence, celle qui vit même avec la mort dans l’âme, celle qui survit à son amour passionné en devenant folle. Stella, c’est la liberté sexuelle alliée à l’imagination la plus débridée, on ne peut la cerner, elle ne le laisserait pas faire. Elle ne cesse de changer mais elle reste la même, et quand la vie la prive de ce qu’elle veut, elle le prend quand même.
Joel Pfister, cinéphile helvète – Tam Chamade (Cat’s Eye): C’est un personnage féminin assez fascinant pour moi du fait de s’être entiché d’un personnage masculin aussi maladroit et parfois crétin que Quentin Chapuis. Étant fan de gymnastique artistique, c’est aussi pour ses capacités physiques qu’elle m’impressionnait et je la trouvais à la fois élégante et athlétique dans ses prouesses physiques absolument géniales. La combinaison serveuse dans un café/voleuse de diamants me séduisait beaucoup. Et puis il y aussi tout l’aspect fétichiste avec sa combinaison pour ses sorties nocturnes, combinaison que j’ai toujours imaginée en latex alors que c’est probablement du lycra !
Centre de Recherche Projet-VHS-Zéro (Instagram) – Ilsa (de la série Danger 5) : Le commando des Danger 5 compte dans ses rangs Ilsa, l’espionne soviétique, personnage féminin qui a marqué l’équipe du centre de recherche. En effet, elle fume sous la douche, consomme plus d’alcool que tous les autres membres du groupe, c’est toujours elle qui conduit, elle a été mariée à Erwin Rommel, elle se fiche de tout et, surtout, elle s’exprime exclusivement en russe, ce qui ne semble jamais gêner qui que ce soit, tout le monde paraît la comprendre sans problème. C’est cette spécificité qui rend le personnage extrêmement précieux aux yeux de l’équipe du projet VHS Zéro, qui a toujours apprécié ce genre de running gag.
Sol Elias, écrivaine – Christiane Taubira : Elle ne mesure pas plus d’1 mètre 50, talons compris ; sous ses étoles chamarrées, 40 kgs à tout casser. Née de l’autre côté de l’Atlantique, d’une famille sans le sou, sans père, elle porte sa peau noire en étendard, malgré les « bananes » et les « guenons » jetés çà et là. Elle s’est toujours tenue droite, la voix conquérante, inflexible devant les micros de l’Assemblée quand il s’agissait de défendre pour tous, les mêmes droits, alors que des millions d’autres s’échinaient sur les pavés à leur refuser.
Aux temps des métamorphoses politiques où il n’a jamais été aussi tendance d’être un invertébré, elle exhibe sa colonne vertébrale, celles de ses valeurs et de ses idées – humaines, humanistes, généreuses, n’ayant jamais eu honte d’être de gauche.
Elle, c’est Christiane Taubira, femme politique et écrivaine, à peu près seule contemporaine dans l’arène des pouvoirs que l’on peut admirer sans peur de se salir.
Filo Loco, Ange de l’Enfer, infatigable passionné d’arts populaires et éditeur Serious Publishing – Paula Maxa : «La Femme la plus assassinée du monde » Marie-Thérèse Beau, alias Paula Maxa, fut de 1917 à 1933 la star du Grand-Guignol et mourut dans la misère, oubliée de tous, en 1970. J’ai toujours eu une fascination pour ce théâtre et ses interprètes dont Paula Maxa, figure martyre et tragique sur scène comme dans sa vie. Floch’ et Rivière en ont fait un personnage de leur Rendez-vous de Sevenoaks, les photos qui restent d’elle restituent la puissance de son jeu pour le théâtre de l’horreur…
Vincent Lafon, postier parisien, moldave refoulé et collectionneur d’autocollants Hervé Villard – Dagny Taggart : Dagny Taggart est une des protagonistes principales de La Grève, livre phare de la romancière Ayn Rand. C’est une femme d’affaire, œuvrant dans une compagnie de chemins de fer. Son perfectionnisme et son extrême dévouement pour son entreprise impressionnent voire effraient ses concurrents, à tel point qu’elle en est déshumanisée. Quant à sa féminité, elle leur semble carrément exclue. Elle est très intelligente, compétente et pugnace. Malheureusement pour elle, ces qualités ainsi que sa soif d’entreprendre et sa recherche de profit sont brimées dans un monde (dystopique ?), où le mérite et la réussite sont des maux à éradiquer. Son travail doit désormais servir la collectivité, sans contrepartie, ce qu’elle refuse. Dans ce pamphlet libéral, son combat contre ce qui s’avère petit à petit être une destruction du progrès, l’entraînera bien plus loin qu’elle ne l’aurait imaginé…
Le grand banquet de Lola (Instagram) – Jules & Ophélia : Comme une réponse à la galaxie patriarcale dans laquelle la culture populaire, ce n’est pas la seule, gravite depuis toujours, le duo de la série Sweet Vicious Jules et Ophélia (à prononcer Djulece d’un cliquant accent américain) a débarqué sur nos TV en 2016 et en a disparu bien trop promptement. Jouxtant les codes et de la femme affable et de la femme battante, Jules tiendra le rôle de la femme renaissant de ses cendres, presque littéralement, violée par une belle gueule d’étudiant à la cote inattaquable. Elle croisera la route d’Ophélia, jeune à l’esprit affûtée, bien trop pour se rendre en cours ou accepter les règles de bienséance que tente vainement de lui inculquer chaque protagoniste orbitant autour d’elle. On peut également préciser une attitude indifférente à l’autre, des vêtements trop grands, des cheveux verts et pourtant une classe d’enfer. Ensembles, la ravissante et la désinvolte vont affronter les vilains pour une seule saison réalisée par Jennifer Kaytin Robinson, imprégnant ses personnages de couleurs pop, d’un humour cinglant, et d’un quotidien féminin moderne et glorifiant !
Caroline Santos, peintre – Lady Gaga : Que ce soit au travers d’interviews, d’interventions publiques ou au fil des paroles de ses chansons, Gaga a inspiré des gens avec des discours forts, basés sur son expérience personnelle et sa vision du monde. Également impliquée dans des causes sociales, Gaga a fondé (avec sa mère Cynthia) la Born This Way foundation, une organisation à but non lucratif qui encourage tout individu mais surtout les jeunes dans l’expression et l’affirmation de soi. Gaga n’a pas peur d’exprimer sa personnalité et a toujours dit qu’elle suivait sa vision artistique sans s’occuper de plaire ou de déplaire, exprimant ce qu’elle ressent avec conviction.
C’est une artiste qui ne ressemble à aucune autre. Comme elle écrit ses propres textes, elle arrive a faire passer le message qu’elle souhaite dans chacun de ses albums et elle agit, joue et s’habille exactement comme elle le ressent, et ça évolue à chaque étape de sa carrière selon son inspiration.
Nathalie Gassel, athlète et écrivaine – Serena Williams : L’apparence, nous l’offrons à l’autre, et voilà une femme qui aura révolutionné l’image de celle-ci, toute en puissance et splendeur de muscles épais et ciselés, parfois enrobés, mais dégageant toujours la plénitude qu’elle aura offert à l’image naguère si niaise qui était imposée à la féminité comme une prison de petitesses et de complaisances imbéciles au pouvoir masculin omniprésent.
Serena Williams éclate d’un nouveau genre conquérant, physiquement talentueux, rayonnant de sa puissance musculaire et octroyant enfin aux femmes une véritable aura exultante, dépourvue des mièvreries imposées. Alliant la beauté du roc de ses muscles épais à la performance sur les courts, elle sait manifester ce qui peut être admiré et offrir aux femmes de nouveaux droits et une nouvelle figure dans un volume magnifié de chair épaisse et dure, tel un étendard de liberté et de joies d’exultations d’un corps souverain et triomphant. Nous y sommes aux antipodes de toutes les anciennes illustrations où les femmes étaient hélas confinées dans des afféteries insignifiantes comme autant de marques de leur soumission et gages de leur funèbre docilité. Premier signe visible de cette transmutation de son état ancien, nous le saluons vivement, acclamant les performances et la nouvelle métaphore : l’image et l’apparence sont des actes primordiaux d’un esprit nouveau, novateur des femmes des temps modernes accédant enfin aux pouvoirs et aux dignités, exposés dans la manifestation de sa magnificence, osant les gestes de gloire et de puissance. Incarnation d’un chant de liberté du « genre » que nous acclamons nouvellement.
Bannière complète, non-tronquée, réalisée par Melvin Zed