2055. Après que les progrès technologiques aient fait de la fécondation in vitro le principal mode de reproduction pour l’espèce humaine, une guerre chimique annihile définitivement les mâles de la planète, allez hop ! Désormais, la masturbation, le cunnilingus, le voyeurisme et n’importe quel type de pénétration sont devenus des crimes graves. La Police de la Morale traque et châtie toutes celles qui commettent ce type de délits appelés “ignominia”. L’agent 069 (…) Deborah Lick est l’une des enquêtrices les plus talentueuses de l’hyper-mégapole. Alors qu’elle vient de faire coffrer une revendeuse de godemichés, elle reçoit une nouvelle mission de la part de la commissaire qui lui confie un film pornographique dans lequel apparaît un hermaphrodite, une espèce impossible, car ces derniers sont théoriquement éliminés à la naissance. Deborah commence son investigation mais très vite, elle comprend qu’elle a mis le doigt dans un sombre engrenage…
Juan José Ryp, adepte de femmes armées devant l’éternel comme un ado sans Internet pourrait l’être des catalogues La Redoute, est aujourd’hui bien connu dans le monde des comics pour ses couvertures Marvel ou sa collaboration avec Warren Ellis pour Black Summer, No Hero ou Wolfskin. Mais les Editions Tabou ont eu l’idée, il y a quelques années maintenant, d’éditer ses premières œuvres pornos, à savoir Jeux de Filles, GladyS&Monique et Ignominia… Si les deux premiers sont tout à fait dispensables, le troisième tire son épingle du jeu.
Pour faire simple : Ignominia fait parti de ces BDs X faites par et pour des mecs.
Toutes les meufs y sont sculpturales, elles sont tout le temps à poil, et le pitch, quoique très cool, est l’excuse parfaite pour une enchainement garanti hétéro de lesbian-chic à la sauce cyber-punk.
Le style de Jose Ryp – mix quasi parfait entre Manara et Geoff Darrow – convient à merveille à cet univers à la Blade Runner (personnage principal détective, rues chaotiques bondées de gens), Judge Dredd (police facho (pléonasme), gangs…) ou Gunnm (ville-basse, ville-haute, riches qui se la coulent douce dans les hauteurs pendant que les pauvres crèvent en bas etc.) et bien qu’il n’invente rien, quelque chose de fort émane de cet album, pour deux raisons.
La première : tout en remplissant le cahier des charges d’une publication porno destinée à l’hétéro lambda ; José Ryp laisse libre cours à ses propres fétichismes. Nous avons ainsi d’un côté le b.a.-ba d’une BD X, qui se résume ici à lesbiennes, lesbiennes et lesbiennes, et d’un autre, comme un récit dans le récit, quelques paraphilies bien plus personnelles : pieds, muscles féminins, cuir, acier, SM, hermaphrodite. On sent que Ryp se régale, qu’il partage ses manies avec un vrai plaisir et ça en jette d’autant plus qu’on ne s’attend pas forcément à ça en achetant l’album.
Par ailleurs, ses cadrages, qui semblent transformer le moindre personnage féminin en colosse prêt à faire exploser les limites du cadre apparaissent ici comme un autre fétichisme – celui de la macrophilie, amour des femmes géantes – mais lié cette fois à la technique et non au contenu. C’est habile ! Sur ce point, certaines doubles pages sont franchement splendides et dépassent le simple plaisir de “dessiner des femmes” de la part de l’auteur. Disons que si José Ryp était adepte de SM, il jouerait probablement le rôle de soumis.
Ajoutez à ça un personnage et une histoire dans la pure tradition d’un Philip Marlowe/Chandler et vous obtiendrez avec Ignominia un album très curieux, qui jongle entre plusieurs genres en les respectant tous, et préfigure la future carrière comics de son auteur.
Extraits d’Ignominia, suivis de quelques couvertures toutes en finesse de Juan José Ryp